Dans le cadre de la 37e édition du Festival d'Automne à Paris.
Projection est le titre de la pièce principale présentée dans cette exposition réunissant des œuvres de l’artiste brésilien José Damasceno. Constituée par une série de fauteuils de cinéma et par des amoncellements de semelles découpées en papier coloré qui se répandent aléatoirement dans l’espace, l’atmosphère de cette sculpture/installation est chaotique et dramatique. Elle est la reconstitution fabulatrice d’une audience absente dont le passage est évoqué par les traces en papier.
En même temps qu’elle instaure un événement figé d’une matérialité puissante, elle évoque un caractère cinématique intrinsèque aux matériaux utilisés et leur turbulence. A la manière d’une narration apparemment sans déroulement ; comme un still d’une séquence de filme ; ou encore de la même façon qu’un instant d’une action interrompue, cette œuvre se réfère à un moment avant ou après de ce qui est vu. Evénement en transit, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’œuvre de Damasceno, Projection se projette dans l’espace-temps de manière instable en créant un territoire spéculatif sur la question du visible, de l’invisible et du devenir.
Etant donné que l’énoncé principal du travail questionne par exacerbation la notion de mouvement, il existe dans l’œuvre une fixation et un mouvement à la fois potentiels et oscillatoires. Cette « animation occulte » suggère la dilatation du temps et de sa durée en puissante cinématique constante. Dans ce contexte, tant la fixation quant le mouvement sont abordés en tant qu’énergies oubliées dans la conscience de l’espace, susceptibles de ressurgir l’une de l’autre à n’importe quel moment.
Chez Damasceno, la sculpture est aussi image. Elle dépasse la présence matérielle des volumes et établit une relation phantasmatique au-delà du caractère physique des choses. Le représenté se transforme en une simple résonance de l’ « animation » des idées. L’artiste travaille l’image comme s’il était possible de l’aborder physiquement en même temps qu’il essaye d’extraire de la chose son potentiel d’image. Il existe toujours un potentiel fluide et mouvant situé au-delà du visible qui s’installe dans la psyché du spectateur. Et Damasceno place cette résonance de l’œuvre dans notre psychisme en tant que question visuelle.
Machines imaginaires en action, les interventions de Damasceno transforment la place habituelle et le temps chronologique en une expérience fictive inusitée à partir de distorsions poétiques de la réalité. Cela est le cas non seulement pour Projection, mais aussi pour les autres œuvres présentées dans cette exposition : l’organigramme intitulé Hier, Aujourd’hui , Demain, et le relief pariétal Cinéma élastique.
Fasciné par les états en transit et par ce qu’active le flux entre des mondes apparemment séparés, Damasceno produit un revirement dans les dimensions souvent acceptées de temps, d’espace et de représentation. A l’instar des surréalistes qui maintenaient les pulsions de l’inconscient et le transbordement du réel, son intérêt est concentré sur les croisements poétiques de matières, d’états, de sens et des idées antagonistes. De ce fait, la dynamique de la perception comprend à la fois un champ sensible et un mouvement spirituel qui devine ou invente le sens de ce qui flue et nous échappe.
Des endroits re-inventés par la dynamique excentrique de la poésie, son œuvre constitue un « domaine ténébreux et élastique que parfois se rétracte ou s’élargie selon la force irrégulière de l’imagination » . Dans la précipitation de l’imaginaire sur la superficie du monde, Damasceno produit des tensions entre les qualités distinctes de l’espace. Il concentre et propage le visible en faisceaux de significations imprévues en faisant du « constructo » une « apparition ».