État d’art - Haïti
Photographies de Marc Petitjean
Ces photographies inédites restituent avec clarté un épisode unique dans l'histoire de l'art du siècle dernier, la production spontanée d’œuvres de toutes sortes, non destinées à la vente, par des villageois haïtiens. A l’origine, en 1972, leur rencontre avec deux artistes avisés, Tiga et Maud Robart, lorsque celle-ci fait bâtir une maison près de chez eux, à mille mètres d’altitude et cinquante kilomètres de Port-au-Prince.
L’exposition comprend des photographies du site et de son environnement rural, des portraits de ces hommes et de ces femmes dans toute leur jeunesse, en révélation de leur « état d'art ». On découvre des vues de cette effervescence dans de multiples domaines : œuvres en train de se faire, dessins et peintures réalisés avec les matériaux naturels trouvés sur place, sculpture enfouie puis déterrée, peinture du cimetière du village ou des murs intérieurs d'un habitat, créations théâtrales, poèmes illustrés...
Au fil des années, certains de ces villageois s'imposeront comme artistes : Levoy Exil, Denis Smith, Louisiane Saint Fleurant, Antiliome, mais à partir de 1976 le mouvement perdra progressivement de sa spontanéité. L’année 1975 perçue par l'objectif de Marc Petitjean est encore ce moment d'harmonie collective pendant laquelle aucune œuvre n'est vendue et où peinture, chant, théâtre, jaillissent librement, ce qui éblouira André Malraux lors de son voyage en Haïti quelques mois plus tard : « Il n’est pas courant de rencontrer une peinture dont on ne décèle ni d’où elle vient, ni à qui elle parle (...) Conjonction inconnue - et imprévisible - de couleurs. L’œuvre ne nait pas, ne s’élabore pas, elle se produit comme la glace au degré de congélation, les cristaux au degré de saturation. » André Malraux, L’Intemporel, tome 3.
Pour Marc Petitjean la photographie consiste en une pratique du témoignage qui réunit la prise en compte d’un vécu et de son contexte. Elle consiste à traiter du réel sur la base de l’expérience individuelle. Ici, le temps d’un retour construit le présent et progressivement le révèle. Séries de photos, séquences, montages vidéo, recréent une temporalité. Nulle nostalgie dans cette approche d’événements passés mais le besoin irrépressible de comprendre et de partager ; des merveilles, des espérances, une liberté... En tous les cas des preuves de ce qui fut et qui, en regard de ce que vit actuellement Haïti, constitue une valeur de référence et un espoir.
Trois créateurs contemporains se joignent à l’exposition, en écho à ceux de Saint Soleil et aux photographies de Marc Petitjean : Steeve Bauras, Elodie Barthélemy, Freydelyne Charles.
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Trois événements sont organisés dans le cadre de l'exposition :
« Saint Soleil, une utopie féconde »
Samedi 30 novembre 2024/
de 16 h à 18 h
Rencontre autour de l’origine de Saint Soleil en présence de Maud Robart, co-fondatrice du mouvement. Actuellement Maud explore les racines rituelles de l’art. A travers des ateliers d’introduction aux chants afro-haïtiens, qu’elle donne aux créateurs d’aujourd’hui, elle transmet les principes essentiels qui régissent ces techniques originaires. Elle place l’expérience directe à la base du processus d’exploration et au centre d’une compréhension vivante.
Un entretien vidéo inédit avec Maud ainsi qu’un court-métrage réalisé en 2001 sur l’un de ses ateliers de chant seront projetés. Des enregistrements sonores réalisés en 1975 avec les membres de Saint Soleil, seront diffusés : poèmes, ambiances, ainsi que des chants interprétés par Maud et Tiga à l’époque.
« Musiques »
Vendredi 13 décembre 2024 /
de 18 h à 19h30 h
Performance live de Ramuntcho Matta, artiste pluridisciplinaire, et Elisa Abela, musicienne italienne.
Ramuntcho Matta, l’un des producteurs français les plus intéressants de sa génération, a collaboré avec un large éventail d’artistes cultes tels que Don Cherry, Brion Gysin et Laurie Anderson et est lui-même issu d’une illustre famille d’artistes.
Le chanteur et auteur haïtien engagé Kébert Bastien dans son duo avec la chanteuse Emmanuella Brumer.
Kebert Bastien, chanteur résolument engagé, n’est pas un simple lanceur de brûlots. Ses textes, en créole ou en français, dénoncent la souffrance de son peuple, autant qu’ils nourrissent l’espoir et un rêve collectif pour Haïti, et appellent à la fraternité par l’entremise d’un JE collectif.
« Haïti, les chaines de la dette »
Samedi 11 janvier 2025 /
de 16 h à 18 h
Rencontre autour des « 200 ans de la double dette imposée par la France à Haïti ».
Avec :
Jean-Marie Théodat, écrivain et géographe.
Pierre-Yves Bocquet, de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
Jean-Claude Bruffaerts, économiste et collectionneur, fondateur de Haïti Patrimoine.