« Beauté Rationnelle » : ambitieux titre qui exprime le désir d’atteindre en art une forme de plénitude et d’universalité, forme qui trouverait son fondement dans la raison, autrement dit dans la logique, les sciences et les mathématiques. C’est en partie dans ce sens que l’ensemble des artistes ici réunis, soit Carlos Cruz-Diez, Norman Dilworth, Garry Fabian Miller, Tibor Gáyor, Hans-Jörg Glattfelder, Dóra Maurer, Vera Molnar, Knut Navrot, Vera Röhm et Marie-Thérèse Vacossin, tous abstraits et géométriques, ont orienté depuis plusieurs décennies leurs recherches (à quelques nuances près, et que nous ne manquerons pas de préciser).
Une telle approche de l’art les situe directement dans le sillage des concrets suisses, notamment de Richard-Paul Lohse et de Max Bill. En 1949, ce dernier avait reformulé la définition que Van Doesburg avait donné de l’art concret ainsi : « Nous appelons art concret les œuvres d’art qui sont créées selon une technique et des lois qui leur sont entièrement propres – sans prendre extérieurement appui sur la nature sensible ou sur la transformation de celle-ci, c’est-à-dire sans intervention d’un processus d’abstraction. Les instruments de cette réalisation sont les couleurs, l’espace, la lumière et le mouvement. En donnant forme à ces éléments, on crée des réalités Nouvelles, et des idées abstraites, qui n’existaient auparavant que dans l’esprit, sont rendues visibles sous forme concrètes ».
Ces lignes augurent un pur formalisme formel : désormais l’œuvre d’art n’existe que par elle-même et pour elle-même ; autonome dans son processus de création, elle résulte de l’exploitation directe et rationnelle de ses invariants plastiques. Débarrassée de tout message et de tout pathos, elle est le fruit de systèmes préalablement conçus et de données objectivement contrôlables.
Texte : Domitille d'Orgeval