Depuis longtemps, des techniques ont été créées afin d’imprimer et de reproduire des images. Les utilisations et les fins qui résultent de ce procédé sont variées. Dans son livre intitulé L'OEuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, le philosophe Walter Benjamin parle surtout de la photographie, du cinéma et de la reproduction faite à partir d’une oeuvre d’art originale. Dans cet ouvrage, il n’est cependant pas du tout question d’aborder les oeuvres d’art conçues dès le départ pour être multipliées.
Que se passe-t-il lorsque des oeuvres d’art sont réalisées dans cette perspective ? Y aurait-il une différence de perception entre une oeuvre d’art « unique » et celle « multipliée » ? Quelles sont les notions qui interviennent lorsque nous nous confrontons à cette pratique « qui revendique un accès à l’art, une contemplation et une économie particulières, souvent écartée par l’élaboration d’une histoire de l’art écrite au regard d’une conception de l’oeuvre comme objet rare et unique » (Sylvie Boulanger, dans dépliant du Centre National de l’Estampe et de l’Art Imprimé, CNEAI, Chatou).
Afin de réfléchir sur ces questions et d’en proposer d’autres, nous avons réuni dans cette exposition des oeuvres provenant de trois ateliers consacrés à l’art imprimé. Actifs dans ce domaine, ces ateliers explorent singulièrement ce terrain très vaste pour la création. L’ensemble des oeuvres permettra ainsi non seulement de constater le foisonnement qui découle de ce type de production, mais aussi de retrouver, ou de découvrir, les univers propres à chaque artiste présenté.
DESPALLES Éditions
Despalles éditions, créées par Françoise Despalles et Johannes Strugalla, réunissent depuis 1982 plasticiens et poètes dans des ouvrages débordant les catégories esthétiques et franchissant les frontières culturelles et linguistiques. Dans ces livres – généralement bilingues allemand/français – texte et image n’apparaissent ni comme une illustration de l’un par l’autre, ni comme une documentation de l’un sur l’autre, mais comme un dialogue qui exerce simultanément sa fascination sur deux plans formels différents. Les frontières entre texte et image vont jusqu’à disparaître, lorsque le texte lui-même devient image.
Les réalisations, à la fois projets artistiques et littéraires s’inscrivent dans le contexte particulier du tirage limité, celui-ci permettant d’assurer la maîtrise des techniques employées. Ces créations ne sont pas étrangères au questionnement sur le rôle et l’avenir du livre en tant qu’objet sensoriel. Les livres de Despalles sont entrés dans les collections les plus importantes, notamment en Europe et aux USA.
FANAL Éditions
En 1966 Marie-Thérèse Vacossin ouvre à Bâle avec son ami d’études Marcel Mazar un atelier nommé Fanal. Trois ans plus tard ils emménagent dans un ancien moulin à papier à proximité du Rhin. En 1969, après l’installation d’un atelier de gravure et de sérigraphie, une édition est créée . Cette même année le passage de Jean Gorin à l’atelier marque une étape importante; son approche artistique et son absolue rigueur confortent Fanal dans la direction choisie : l’art construit .Les rencontres d’artistes, tels Aurélie Nemours, Gottfried Honegger, François Morellet, n’ont cessé de supporter Fanal dans son orientation. Pour conserver son caractère précieux à l’épreuve imprimée, les tirages restent limités: 30 à 50 exemplaires numerotés et signés par l’artiste. Par sa noblesse, sa rareté et par un travail qui associe l’artiste et l’artisan dans un même souci de qualité et de recherche, l’estampe n’est plus simple multiple, mais un original-multiple.
Michael WOOLWORTH Publications
Maison d’édition et atelier d’impression en activité à Paris depuis 1985, Michael Woolworth se spécialise dans les techniques dîtes traditionnelles, offrant aux artistes des outils tels que le bois gravé, la photogravure, la lithographie sur pierre, le linogravure, la taille-douce, le numérique ou le monotype. Depuis 25 ans, son atelier est devenu une sorte de laboratoire pour la création où l'art de l’impression est constamment réinventé. On ne parle plus de travailler en imprimerie mais d’utiliser un médium. Américain d’origine, Michael Woolworth s’est installé à Paris en 1979, quand il a débuté dans un atelier dédié à la lithographie à l’ancienne. Ses impressions se réalisent exclusivement sur des presses manuelles dans son atelier situé Place de la Bastille. Les tirages sont très limités - souvent allant jusqu’aux pièces uniques - offrant aux artistes une liberté d’approche, poussant ainsi jusqu'aux extrêmes limites les possibilités de ses techniques.